L’expérience collaborateur au cœur du retour au bureau – Quel avenir pour le bureau comme lieu de vie ?

Après de long mois de travail à distance et la fin des obligations fixées par les pouvoirs publics en matière de télétravail, les entreprises, les collaborateurs et leurs représentants doivent (re)trouver le bon mode de répartition entre télétravail et travail au bureau. Certains ont prédit la fin du travail sur site, et avec lui, la fin du bureau comme lieu de travail. Cela ne semble vraisemblablement pas être le cas. Les 18 derniers mois ont été l’occasion d’interroger la nécessité du bureau et son rôle et de réfléchir aux conditions du retour. Cette réflexion a été initié dès les premiers mois de confinement, comme le montre cette tribune du 26 mai 2020 par Fabien Siguier pour le Cercle K2, qui décrit cette situation comme « une évolution permanente vers une personnalisation de la relation au travail ».

En effet, « des routines prises durant les confinements peuvent être difficiles à changer. Il peut y avoir un manque d’envie de revenir sur le site. Et si c’est pour retrouver la vie d’avant, il n’est pas certain que chacun y trouve son compte », (D. Mahé, président de Human & Work, Les Echos, mai 2021).

Le rôle du bureau est à réinventer en proposant ce que le télétravail n’offre pas, une véritable expérience sociale, au sens premier du terme : permettre aux collaborateurs de se rencontrer, d’échanger, de co-construire, voire d’innover. Car « améliorer son expérience collaborateur, c’est gagner en engagement et en agilité, et par conséquent développer la performance dans l’organisation. Il s’agit bien d’un sujet global », (BearingPoint Les Echos, octobre 2021). A l’instar du télétravail, le bureau doit donner la liberté d’organisation, l’autonomie et la confiance, le lien social et cela doit se retrouver dans la configuration-même des espaces de travail. Le télétravail serait le temps de la production et le présentiel celui de la dimension innovante, créative et collaborative et du lien social.

Faire revenir les collaborateurs au bureau dans ce modèle hybride ne peut pas relever d’une simple injonction. Il faut créer les conditions de son fonctionnement et de sa réussite. Cela nécessite aussi une attention nouvelle, ou renouvelée, à nos environnements spatiaux et à leur animation. Et si le bureau était de moins en moins un lieu de travail…?

Des aménagements pour faciliter le mode hybride

Chez BoondManager (éditeur de logiciels), une messagerie instantanée permet d’échanger et de connaître l’emploi du temps de chacun. Les visioconférences sont régulières. Des rencontres virtuelles sont même prévues pendant les pause-café. Trois fois par an, des séminaires en présentiel rassemblent l’ensemble de l’équipe.

Chez Semardel (société francilienne de collecte et traitement des déchets, 570 personnes), une enquête a été menée à l’été 2020 et les tâches passées au crible, entre celles qui nécessitent de la concentration, de la réflexion et sont « télétravaillables » et celles qui au contraire exigent de l’échange, de la créativité et donc une présence sur site. Des adaptations sont en cours. Et pour ceux qui dont les missions ne permettent pas le télétravail (80 % des métiers), dans un souci d’équité, l’entreprise étudie des améliorations des conditions de travail (matériel plus adapté, horaires aménagés).

Ré-imaginer les espaces… vers une nouvelle conception du bureau 

Dès la sortie du confinement en 2020, certaines entreprises ont redoublé de petites attentions pour leurs collaborateurs, avec des petits-déjeuners, moments conviviaux, événements, séminaires pour rendre la « rentrée des classes » la plus agréable possible et combattre un certain désenchantement. D’autres ont mis en place des transformations plus profondes pour faire du bureau un véritable espace de vie, agréable, confortable, propice à l’échange et au lien social.

Plus qu’un espace, le bureau doit devenir le lieu de rencontres, d’échanges et de collaboration. Il doit assumer un rôle de “totem” stratégique pour l’entreprise incarnant à la fois sa culture et ses valeursL’expérience du lieu doit justifier le déplacement, il doit être inspirant et renforcer le lien social, l’apprentissage, la créativité et l’innovation (Forbes, décembre 2020).

Les espaces doivent s’adapter en fonction des usages de la journée et des activités. Par exemple, l’aménagement de « bases communes » comme les cafétérias, les espaces détente qui favorisent la déambulation et la rencontre, des espaces dédiés à l’innovation, ou encore à des projets collaboratifs. A Lyon, Orange (espace Lumière) a créé un espace permettant davantage d’agilité et de transversalité et aménagé spécifiquement pour le télétravail et le nomadisme.

La reconfiguration des espaces doit aussi être facilitée pour s’adapter en temps réel en fonction des collaborateurs présents, des projets, des activités, etc. Dans cette logique, l’entreprise Suzuyo articule son espace autour de grands modules qui se transforment au gré des besoins.

Zenchef a complètement réorchestré ses bureaux pour faire revenir ses collaborateurs alors que tout fonctionnait très bien à distance ! Les bureaux, désormais en flex office, ont été pensés à mi-chemin entre le restaurant et l’appartement parisien : grand bar, cuisine pro pour organiser des événements, décorations léchées et espaces collaboratifs et confortables. La moitié de la superficie de l’entreprise est désormais dédiée à des espaces de vie. Le lieu n’accueille que 35 postes pour 60 salariés. « Si l’on veut travailler et se concentrer, ce n’est pas le meilleur endroit », explique la direction.

Au-delà des espaces physiques, les outils doivent aussi s’adapter à chaque situation pour faire que chaque collaborateur, à distance ou en physique, ait une expérience homogène. Des équipements de visio-conférences de qualité peuvent aider à rendre plus agiles et agréables les réunions tout comme des outils de brainstorming permettant de mieux engager les participants. Le collaborateur pourra vivre une expérience augmentée du bureau intégrant : la gestion de son badge, la réservation de salles, la gestion des accès visiteurs, l’accès au wifi, prévoir ou signaler sa présence dans les locaux.

open_space_wide

Photo by Austin Distel on Unsplash.

Des espaces de travail plus ergonomiques et plus verts

Côté postes de travail, des transformations sont aussi en cours. Avec une hyperpersonnalisation : bureaux à hauteur variable, casques anti-bruit, végétalisation. Parfois, les initiatives sont plus anecdotiques mais ravissent les équipes : chez Katchme, cabinet de recrutement, la crise a poussé à créer une salle de jeu et à installer le punching-ball dont les équipes rêvaient depuis plusieurs années !

Les entreprises amènent également plus de services. Parfois un peu farfelus mais qui répondent à un vrai besoin ! Bluelinea, cotée en Bourse et spécialisée dans l’accompagnement à domicile des personnes âgées et en situation de handicap, vient d’embaucher un… Majordome ! Ce n’est pas le nouveau titre du dévoyé chief happiness officer, mais un spécialiste de l’hôtellerie dont le rôle est de cajoler les salariés ; il dispose de 1000€ par mois pour organiser de petites attentions. Et les salariés peuvent même pâtisser durant la journée. « C’est un mécanisme intéressant : désormais je vois des collaborateurs qui sur leur temps de travail s’organisent comme ils veulent, qui sont davantage dans l’objectif que le compte des heures de travail », précise le PDG.

Animer les espaces – en faire des lieux d’expériences pour créer de l’engagement et redonner envie !

Un collaborateur engagé est un collaborateur impliqué dans la vie de l’entreprise, qui adhère à ses valeurs et a le sentiment de contribuer à son développement. Cela passe par l’animation : encourager et développer des communautés sur des intérêts communs pour éviter l’isolement et laisser libre cours à l’initiative des collaborateurs. Crucial dans le retour au bureau des collaborateurs !

Des initiatives assez simples pour « enchanter » le quotidien peuvent être imaginées : événements, challenges internes, cafés, … Il est aussi possible de rester en contact avec les collaborateurs et de les impliquer qu’ils soient en présentiel ou à distance. Par exemple des prises de parole de la direction comme l’a initié Fabernovel avec un « 46 minutes », moment privilégié sans tabou avec le PDG. Il peut aussi s’agir de rituels en petit comité comme la rencontre aléatoire via un bot sur Slack entre 2 collaborateurs pour les inviter à prendre un café, ou encore des moments d’échanges sur une thématique à l’heure du déjeuner chez Axa. L’idée n’est pas de faire comme avant, mais de repenser ces rituels différemment à la source pour permettre cette hybridité entre présentiel et à distance.

Conclusion : Recréer du lien, casser les cloisons, être aux petits soins avec les salariés (offre de restauration variée, saine et en circuit court, des services de bien-être) … Les recettes du retour au travail semblent être finalement, au moins en partie, celles qui ont parfois pu être un peu décriées parce que trop artificielles ! Il s’agit de « proposer de nouvelles expériences aux collaborateurs, en axant les propositions sur la personnalisation ». Dans la mesure où elles permettent aux salariés de se retrouver, de recréer une dynamique d’équipe, elles peuvent s’avérer vertueuses et pertinentes.

Tout dépend in fine de l’objectif dans lequel elles sont mobilisées !