Un parcours d’intégration innovant chez PSA

Dans les années 1990-2000, PSA est un des premiers employeurs de France et embauche plusieurs milliers de nouveaux collaborateurs chaque année, dont plusieurs centaines de cadres, appelés en langage maison « JIC » (les « Jeunes Ingénieurs et Cadres »). Ces JIC sont pour l’essentiels des collaborateurs qui ont entre zéro et cinq ans d’expérience professionnelle, issus de grandes écoles de cadres ou de commerce : dans la tradition de PSA, on entre jeune dans la maison, on y est formé (et formaté un peu) et on en repart à la retraite – sans totalement quitter le sérail d’ailleurs car les anciens ont toujours accès aux salles de réunions et à la cantine pour se retrouver quand ils le souhaitent. Quand on parle de sentiment d’appartenance… Ces cohortes de jeunes embauchés sont donc supposées rester chez PSA pour une quarantaine d’années. Et c’est parmi ces jeunes recrues que seront identifiés et développés les dirigeants de demain. Un investissement considérable est donc fait pour les intégrer de façon durable à l’entreprise, et PSA a mis en place un parcours d’intégration très novateur et inclusif qui s’étale sur toute la première année d’arrivée dans l’entreprise.

Les deux grands métiers de PSA sont alors la production et la vente de voitures (les plateformes de développement des véhicules, le fameux « amont technico-industriel », viennent alors d’être lancées et ne sont pas encore identifiées comme le troisième pilier). Il est important pour PSA que ces nouveaux embauchés connaissent de l’intérieur ces deux métiers : même si à l’avenir il y a de grandes chances qu’ils se spécialisent et grandissent dans un seul métier, ils doivent savoir ce qu’est le cœur quotidien de l’entreprise dans son ensemble.

  • Chaque nouvel arrivant passe ses quatre premières semaines chez PSA dans une usine, à tenir un poste d’ouvrier de production sur la ligne de fabrication, en équipe. Horaires décalés et alternés, travail physique, rythme de travail contraint (y compris pour les pauses physiologiques), « chaque minute perdue est une voiture en moins », responsabilité du travail bien fait (et intégralement audité !), on est loin du travail de bureau auquel se destinent la majorité des jeunes cadres ! C’est aussi pour beaucoup le premier contact avec les syndicats, plus impliqués dans la vie quotidienne des employés dans les sites de production que dans les bureaux.
  • Le second mois se passe dans une succursale de vente de l’une des marques du groupe, alors Peugeot ou Citroën, pour vivre la vie d’un vendeur de voitures. Contact avec les clients, découverte de la gamme de produits, des systèmes de bonus pour incarner les stratégies commerciales, du travail le samedi, de la gestion du client qui vous fait travailler pour ne rien acheter finalement…
  • Durant les 10 mois suivants, le JIC a 3 ou 4 jours de formation par mois, au siège à Paris, avec des intervenants de PSA et des intervenants de l’extérieur de très haut niveau : un cours de relations sociales assuré par un consultant d’Entreprise et Personnel, une initiation au Lean par le Responsable du Lean de Toyota France (Toyota à ce moment étant très loin devant tous les autres constructeurs en la matière, avec son célèbre « Toyota Production System »), du Marketing, de la Finance, une session sur le business model de chaque marque de PSA et de ses partenaires industries (Fiat et Toyota), un panorama de la concurrence, un peu d’organisation industrielle, les basiques du management d’équipe chez PSA, la vie d’un projet véhicule par un Directeur de plate-forme… un petit MBA pour mettre tout le monde à niveau et donner à tous les cadres une culture commune et les clés de l’organisation de l’entreprise.

C’est aussi une opportunité offerte à tous les cadres de se faire un premier réseau dans l’entreprise, en dehors de son département de rattachement. C’est un sésame précieux dans un aussi grand groupe, aux implantations si nombreuses ! C’est d’ailleurs une volonté clairement exprimée par la Direction et les organisateurs de ce parcours d’intégration, une des premières sessions de formation étant consacrée à la formation des réseaux, pour favoriser le réseau en format « fraisier » (entre personnes d’un même niveau hiérarchique à travers tous les Directions de l’entreprise) versus le format « poireau » (hiérarchique au sein de sa Direction). La volonté de l’entreprise est à ce moment déjà d’apprendre à s’adapter à un monde qui change plus vite en brisant les silos et en suggérant des carrières moins linéaires à des employés plus agiles.

A noter aussi que ce parcours d’intégration signifie que le manager qui recrute accepte de facto de ne pas voir son JIC du tout pendant les 2 premiers mois, et puis sur les 10 mois suivants de l’avoir 3 semaines sur 4 seulement. Quand on arrive dans le monde du travail, on ne se rend pas compte de la contrainte que cela représente pour le manager…

Ce parcours extrêmement complet est un réel investissement pour l’entreprise, mais PSA a très bien compris dès les années 1990 qu’elle va devoir s’adapter au monde qui change – et que le meilleur atout de cette capacité d’adaptation, ce sont ses employés. Le ROI de cet investissement est la survie de l’entreprise et sa croissance continue !