Les politiques d’innovation participative dans le secteur de la Défense et de la Sécurité
Avant d’exister sous leur appellation à la mode de « programmes d’intrapreneuriat », les initiatives visant à confier au salarié inspiré la réalisation d’un « proof of concept » de son idée d’amélioration d’un process ou d’un matériel au sein de son organisation existaient déjà : il s’agissait des politiques d’innovation participative. Le secteur de la Défense et de la Sécurité notamment avait perçu l’importance cruciale d’encourager le foisonnement et le recueil de toutes les idées susceptibles d’améliorer la réactivité face aux menaces et d’assurer la supériorité opérationnelle. Créée en 1988, la Mission pour l’Innovation Participative (MIP) de la Direction Générale de l’Armement (DGA) du ministère des Armées soutenait, 30 ans avant que cela ne soit à la mode dans la sphère de l’innovation publique, les personnels (militaires en activité ou réservistes, et civils de la défense ainsi que les gendarmes qui étaient alors rattachés au ministère de la défense) qui, en parallèle de leurs activités, développaient des projets d’innovation au service des forces et des organismes de la défense.
L’innovation participative consiste à recueillir et sélectionner, selon des critères prédéfinis, les idées les plus prometteuses émises par les personnels, à valider (ou non) leur pertinence et leur viabilité par l’aide à la réalisation de prototypes ou de démonstrateurs, puis à diffuser et déployer ces innovations (les aider à « passer à l’échelle supérieure »). Ces innovations peuvent concerner tant l’amélioration organisationnelle quotidienne des armées que le renforcement des capacités opérationnelles de la défense. Il peut s’agir de concevoir de nouveaux matériels adaptés à l’évolution des besoins, d’accroître les capacités des matériels existants, de perfectionner les méthodes de fonctionnement y compris administratives ou encore de mieux prendre en compte les grands enjeux tels que le développement durable, la sécurité, les conditions de travail, etc. Depuis sa création la mission d’innovation participative a permis l’émergence de plus de 1 600 projets. Désormais rattachée à l’Agence Innovation Défense, la cellule innovation participative qui a pris le relais de la MIP historique soutient 60 projets par an en moyenne.
Emblématique, bien que restée peu connue et forte d’un retour d’expérience de 30 ans, la MIP a de fait inspiré les programmes d’innovation publique qui ont émergé à partir du milieu des années 2010 au SGMAP devenu DITP (pour la partie politique et process de la transformation publique) et DINUM (pour la partie technologie de la transformation publique). Ces programmes sont désormais organisés par type de dispositifs d’aide à l’innovation et donc spécialisés ; ils distinguent programme visant à l’émergence de start up d’Etat, mise en place de laboratoires d’idéation, incubateurs ministériels par secteur d’activité, programmes de mise à disposition des administrations d’UX designers et d’entrepreneurs publics et parcours d’intrapreneuriat fléché (facilitant l’éclosion et le passage à l’échelle de l’idée de l’intrapreneur à l’intérieur d’une entité publique et de ses nombreux méandres). Il s’agit, avec ces parcours, d’aplanir les multiples difficultés techniques, juridiques, procédurales que peut rencontrer un intrapreneur (difficultés identifiées par ceux qui sont passés par là) dans une organisation ancrée dans ses processus et ses modes de fonctionnement en lui fournissant par exemple un « kit de l’intrapreneuriat » ; il s’agit aussi de contrer la résistance naturelle au changement des grandes organisations par des programmes de formation des agents mais aussi et surtout par la sensibilisation de leurs dirigeants.